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Le récit de Lucienne Jonca, suite à son retour à Tiaret

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MessagePosté le: Ven Déc 23, 2005 10:33 pm     Sujet du message: Le récit de Lucienne Jonca, suite à son retour à Tiaret

Mme Jonca, je vous remercie beaucoup de nous avor redigé ce récit, tres émouvant.
Merci à Clément de l'avoir transmis.

" Relation du retour à Tiaret par Lucienne Jonca Leonneti

Voyage en Algérie Septembre 2005

Le voyage en Algérie m?a été proposé un matin, quelques jours après le décès de maman.
L?Algérie était pour moi, si loin, j?avais quitté ce beau pays à l?âge de12 ans.
J?avais vu pendant tant de temps pleurer maman et papa que je n?osais pas espérer y retourner un jour.
Le temps efface les plaies.
J?ai eu envie de retrouver nos racines en terre de France. Papa voulait retrouver le pays d?où étaient partis ses grand-parents.
Un devoir de classe a tout déclenché, puisque la petite fille de ma s?ur aînée avait choisi pour thème « les origines de ses parents » Autour d?une table, pour la fête des mères, alors que nous étions avec mes frères et s?urs réunis autour de maman, nous avons décidé de l?aider pour ce travail.
A partir d?une photocopie d?un livret de famille, nous avons retrouve nos grand-parents, arrières grand-parents paternels et de plus en plus haut (jusqu?à 1575).
Maman nous a quitté : un grand vide pour nous tous. Cette proposition de voyage a été l?étincelle de ce retour.
Après maints coups de fils à Serge Carles, les formalités d?usage et voilà le 17 septembre arrive.
Départ à 7h de Bastia avec Mme Momégeat , arrivée à Marseille. Mes s?urs m?attendent aux bagages. Nous nous dirigeons vers le comptoir des voyages internationaux. Là, petit à petit, nous retrouvons ceux qui feront partis de ce beau voyage :
Formalités, douanes, etc ?.et nous voilà dans l?avion Air Algérie, fous rires (nerveux?) blagues avec Hélène Boffa, le voyage commence .
Après 2 heures de trajet, par le hublot une terre ! la nôtre ! l?Afrique du Nord. Rires? nous y voilà?c?est la Senia, Oran? l?aéroport n?a pas changé.

Nos c?urs battent la chamade. Nous essayons de grimper dans la navette. Là nous y sommes. Les mots reviennent et le chauffeur de nous demander sinous revenions d?un voyage en France (la bonne blague, ils nous ont reconnu) Comme il y a beaucoup de monde et que nous sommes serrés en riant
le chauffeur de dire « il faut se plier à cette anarchie »
Hélène et Georget seront attendus par des amis qui les emmènerons à St Lucien : le village d?Hélène, d?où ils reviendront le soir avec plein de gourmandises (le régime commence)
Mansour nous attend avec son frère et le « petit car » (entièrement d?époque) : pas de porte bagages, pas de coffre à dans le fond du car. Il fera un second voyage pour prendre ceux qui arrivent plus tard par l?avion de Paris.
L?Hôtel d?Oran est très bien : Civilités et thé à volonté, formalités, on nous conduit à nos chambres (nous noterons ici que l?hôtel était un tantinet cher)
Nous irons ensemble faire un grand tour à pied à Oran (souvenirs qui ressurgissent) Bd Front de Mer, avec en fond Santa Cruz, Rue Lamartine (où vivait notre grand-mère maternelle) la rue d?Arzew, promenades dans les rues
(pas très propres)
Lycée Lamoricière, le jardin théâtre de verdure etc?.
Dans les rues, les gens nous interpellent, on nous souhaite la bienvenue, bon séjour, on nous parle .
Retour à l?hôtel : souper et à demain pour la longue route qui nous ramène chez nous.
Le car est trop petit pour transporter hommes et bagages, un second véhicule sera là le lendemain matin pour les bagages.
Notre voyage commence. Les paysages, les villages défilent St Denis duSig, Perregaux, Huc etc? Certains ont biens changé. Ils se sont agrandis mais le c?ur est là. marchés, bars avec les indigènes attablés. Les barbecues fument (préparation des brochettes?souvenirs?les odeurs aussi reviennent).
Nous arrivons à Relizane. Là, nous sommes attendu par un ami de Serge et Franklin, Mr Khali, médecin de son état, qui nous reçoit chez lui. Ensemble,nous irons au restaurant. Tout est prêt. Echange de souvenirs entre les amis.
Nous retournerons chez lui tous ensemble. Là, son épouse nous attend avec quelques pâtisseries et un bon thé . C?est magique !! (attention aux sucreries)
Nous devons repartir, la route est longue, Civilités ,en route Kenenda, Mendes ? Arrêt à Montgolfier (village où ma s?ur Charlette avait vécu avec son époux Yvon L?Heverder). Nous avons pu entrer dans sa maison.
Comme nous faisons un peu de remue-ménage sur la place? un car de Français?, attroupements, la police est arrivée (petits coqs). Discussion avec Mansour, tous au poste pour vérification d?identité (simple formalité), premier passeport où allez vous ? à Tiaret? D?où êtes -vous ?? de Tiaret.
Deuxième passeport pareil? troisième? , puis monotonie, ils ont souri et retour au car, (simplement une très grande curiosité et un peu de zèle ils ne faisaient que leur travail).
Notre voyage se poursuit. Et là ! Pour nous, les filles Jonca, nos c?urs se serrent : Guertoufa, le village de notre grand-père. Le car ralenti. Nous passons devant la maison de notre grand-père (larmes, angoisse). Nous reviendrons avec notre ami Hadj qui nous attend de pied ferme à Tiaret.
Arrivée à Tiaret, route de Trezel, Hôtel BOUAZZA
Après les formalités et distribution des chambres, un apéritif de bienvenue est servi par la direction .
Hadj viendra nous chercher (les filles Jonca).
Les autres, resteront à l?Hôtel et souperont ensemble.
Pour nous, l?aventure magique commence, Hadj nous emmène chez lui. Sa famille nous attend. Présentations, échange de cadeaux, il y en a pour tout le monde.
Hadj est pharmacien, c?est le fils et petit-fils d?ouvriers qui ont travaillé chez notre oncle, à Faidherbe. Il est fier d?avoir réussi, et veut nous le montrer, en toute simplicité. Il n?y a aucun orgueil chez cet homme très simple, qui, avec sa femme,ses enfants et toute sa famille n?ont pas su quoi faire pour nous rendre ce voyage merveilleux.. Une disponibilité, une serviabilité sans mesure. Nous n?avions pas fini d?exprimer un v?u qu?il était en voie d?être réalisé.
Nous avons parlé jusque tard dans la nuit.
Retour à l?Hôtel et à demain, la journée sera chargée.
Nous avons commencé par la visite de Tiaret (ancien), le jardin des pins à l?entrée, nous avons circulé dans la ville en voiture, un peu partout.
Direction Guertoufa, le maire nous attendait, nous voulions aller au cimetière.
A la Mairie nous avons parlé avec le Maire, qui a téléphoné pour que la maison de notre grand-père nous soit ouverte. En attendant, nous avons pu aller au cimetière (le Maire nous avait précisé que lors du vote du budget,une petite somme était allouée afin de permettre l?entretien du cimetière).
Le cimetière est très propre, pas d?herbes folles ni ronces.
Les tombes, qui avaient pu être abîmées (il manque des portes en fer forgé et quelques plaques de marbre) sont cimentées.
Notre arrivée dans le village n?a fait qu?une traînée de poudre, nous n?étions plus seules avec Hadj.
Les hommes qui étaient là nous ont demandé qui nous étions. Ils nous parlaient des gens qu?ils avaient connus. Lorsque nous nous sommes recueillies sur les tombes, ils étaient derrière nous. Ils nous ont aidé pour allumer les bougies. (doucement derrière, ils disaient « mesquina »)
Au moment de partir 2 policiers se sont approchés pour nous demander qui nous étions, de quelle famille (état civil etc... simple formalité afin de remplir leur registre pour faire des statistiques sur les visites des Français en Algérie nous ont-ils dit )
A notre retour à la Mairie, le maire, nous a dit qu?il leur avait demandé de nous accompagner afin que nous puissions être tranquille (nous n?avons ressenti aucune insécurité )
Nous sommes rentrées dans la maison de notre grand père. Les personnes qui y étaient, nous ont reçu très gentiment. Nous avons pu prendre quelques photos
Un homme d?un certain âge qui nous suivait partout, a absolument voulu nousoffrir un café à midi .
Retour à Tiaret. Habiba, la femme de Hadj, avait préparé un méchoui .
L?après-midi nous avons circulé dans Faidherbe, nous avons pu aller dans la maison Boubay (notre oncle)
De là, nous avons pris le chemin de la Jumenterie et la direction de la ferme de notre père.
Hadj a demandé son chemin (car mes s?urs avaient des doutes, et moi partie trop jeune je ne reconnaissais pas ce chemin)
A un moment nous avions quelques hésitations, Hadj à interpellé un homme qui était dans son champ avec des ouvriers. Après quelques explications, cet homme nous a proposé sa voiture pour prendre les pistes (selon lui notre voiture était trop neuve). En fait, le chemin était en très bon état, seulement, il était en terre.
Nous avons tous grimpé dans le 4x4 et nous voilà, sur le chemin cet homme se souvenait de notre famille, son père avait bien connu notre famille (grand-mère paternelle, notre père etc. Tout le long de ce chemin, il nous racontait divers faits (il faut dire qu?ils ont une grande mémoire orale, ce qui n?était pas le cas pour nos parents qui ne parlaient pas beaucoup). Arrivés aux limites des propriétés des parents, il nous a arrêté et nous a montrer un ravin. Après ce ravin, la propriété de Mr Jonca commençait (les propriétés portent toujours les noms de ceux qui les ont créées). Hadj nous a expliqué qu?il en sera toujours ainsi. Il a énuméré les noms de chaque parcelle. Tous ces noms avaient à nouveau un sens. Ils étaient vrais ce n?était pas un cauchemar.
Réflexion tout à fait personnelle, à ce moment très précis, mes parents nous accompagnaient.
Nous lui avons demandé si des ouvriers ou leurs enfants étaient sur la propriété. Il nous a expliqué qu?après le passage des « Russes » l?Etat avait à nouveau fait une redistribution et que certains ouvriers ou leurs descendants avaient eu des concessions (30 ha).
Les propriétés sont maintenant toutes électrifiées.
Nous sommes arrivés à la ferme : grand choc !! La ferme est en ruine. Il nous a dit qu?elle avait été détruite par les terroristes. Mais c?est magique ! Je revois pleins d?images d?enfant. Je reconnais plein de choses.
Nous faisons le tour, (nous ramassons des feuilles, de la terre, souvenirs?.mélancolie?.joie?.pleurs?tout y est) il n?en reste pas moins que nous sommes heureuses,? très heureuses?..
Nous sommes en septembre, les récoltes sont donc faites, les champs sont secs mais propres. Autour des ruines, là aussi aucune ronce. Tout est nettoyé. Dans un coin les ferrailles d?un vieux tarare (orthographe).
A l?entrée quelques pièces rangées (ce sont les restes des tracteurs ou machines) pas de ronces non plus.
Mr Boutelja nous demande de repartir, car il a laissé ses ouvriers sur le terrain.
Retour à Faidherbe, Habiba nous attend pour le souper.
Le lendemain, visite de Tiaret, des écoles, du marché : identique à celui que nous avions laissé. Visite du cimetière de Tiaret. Dans ce cimetière, un gardien, là quelques tombes ont été abîmées soit par les terroristes, soit par le temps qui a fait son ?uvre, (44 ans sans entretien, le terrain qui bouge, etc.. Wink Dans la plus grande partie, le cimetière est correctement tenu.
Nous avons rencontré un ingénieur à la retraite, avec qui nous avons discuté (son père avait été tué dans sa voiture, piégée lors d?un transfert encadré
par l?armée... nous ne pourrons jamais connaître la vérité nous a ?t-il dit ?les Français?le FLN?)
Lui nous disait que nous ne pouvions pas refaire l?histoire. Que certains hommes l?avaient faite pour nous, que nous étions quand même chez nous, puisque nous étions nés dans ce pays et que l?on ne pouvait nous enlever l?appartenance du sol.(paroles? paroles?). Mêmes propos tenus par un docteur de l?université de Tiaret avec qui nous avions sympathisé et qui nous a ramené à la ferme, plus tard.
Tous nous ont demandé comment nous trouvions leur pays.
Lors de discutions, comme nous parlions de la France, ils nous disaient que quelques fois ils avaient honte des agissements des algériens en France, « nous sommes tous jugés comme eux, ils donnent une mauvaise image de l?Algérie »
Comme nous parlions d?eux, le Dr B .. a même ajouté « les arabes sont travailleurs, mais ils ont besoin de quelqu?un qui les mène. Ils ne savent pas commander ».
Ils sont assez inquiets de voir les chinois s?installer en Algérie.
Pour notre visite de la jumenterie, le directeur de la jumenterie à délégué le vétérinaire pour nous faire faire la visite,les boxes, la nurserie, etc. Il nous a fait seller un cheval pour que nous puissions faire un tour de padoque (ce que j?ai fait avec grand plaisir)
Il y avait une course, nous avons misé et même perdu?
Retour à Faidherbe, la journée à été riche en émotions, après souper, Hadj nous a reconduit à l?hôtel
Le lendemain à 7h30, on cogne à notre porte, « on vous demande dans le hall de l?Hôtel. Nous descendons en vitesse , surprise le fils de l?homme de confiance de papa était là,Il avait appris (téléphone arabe) qu?un groupe de français était à Tiaret et que nous faisions partie de ce groupe, il s?est mis à pleurer et nous aussi, il nous a supplié de revenir à la ferme chez lui.
Comme Mr B?était dans le hall, il a servi d?interprète nous ne comprenions pas tout l?émotion, la joie, tout mélangé.
Rendez-vous est pris pour l?après -midi.
A 13h30 nous étions dans le hall et direction la ferme.
Dès que nous avons posé les pieds hors de la voiture. Il fallait voir la joie de cet homme, il sautait comme un gamin, nous a embrassé, nous a présenté sa famille, ils nous touchaient les mains, le visage, ils pleuraient et nous avec.
Sa belle-fille nous a fait des galettes, comme lorsque nous étions enfants (cuites sur les cendres sur un « majmar »
Le café a été servi dehors sous la tonnelle, et là échange de souvenirs, renseignements pris sur le devenir de toute la famille. Il nous a fait visiter à nouveau les restes de la ferme et nous rappelait les moments qui avaient été vécus par nos parents et les siens. ( toujours cette mémoire orale transmise)
Il nous a donné du blé, de l?orge, des amandes.
Ces gens-là sont sincères, ils ont subi?, ils ont autant souffert que nous (ils nous ont raconté que les années 70 et 80 avaient été pour eux, terribles . Les islamistes, les évènements très durs qu?il ont subi, tueries etc?) Nous avions nous aussi subi cela de la part du FLN.
Nous avons échangé nos adresses et depuis nous nous écrivons régulièrement, car ils répondent très vite à nos courriers.
Retour à l?Hôtel, ce soir un repas est prévu avec musique (nous fêterons l?anniversaire de Marie Georges Magan) .
Le lendemain nous étions invités avec mes s?urs et Michèle Antona à un mariage (le beau -frère de Hadj). Nous avons été reçues comme des membres de la famille.
Ce que je retiendrai de ce voyage :
Tout d?abord une immense joie d?avoir fait ce retour.
La sécurité, à aucun moment nous n?avons eu peur, jamais il ne m?est venu à l?idée que quelque chose pouvait nous arriver.
L?accueil chaleureux, toutes les portes nous ont été ouvertes, sans retenue
Les gens étaient heureux de nous recevoir et de partager avec nous.
La disponibilité des personnes qui nous ont accompagné. ..
Tiaret (ancien) n?a pas trop changé, nous avons pu tout reconnaître malgré les transformations.
Tous les souvenirs, les images que j?avais en tête se sont révélées vraies.
Dans les plus vieux quartiers (rue Bugeaud) quelques maisons en ruines. Ils n?ont pas évolué aussi vite que nous.
Tiaret nouvelle ville est une belle ville, de grande rues, de grands trottoirs de petits immeubles propres. Une belle université
Beaucoup de voitures, qui roulent très vite.( ils ne respectent pas trop le code de la route...)
Ce qui m?a le plus crevé le c?ur, il n?y a plus notre belle église. Une grande mosquée a été édifiée et en cours d?achèvement.
J?ai été déçue par la saleté de la ville d?Oran, et j?avoue que je n?étais pas aussi confiante qu?à Tiaret.
Mon sentiment, l?Algérie, j?aimerai y retourner au moins une fois encore, avec mes frères et ma s?ur aînée, bien qu?ils disent le contraire, ils meurent d?envie d?y retourner. La peur d?être déçus.
J?ai fait ce voyage sans penser que j?allais retrouver ce pays comme nous l?avions laissé. Il ne faut pas oublier que 44 ans se sont passés. La France aussi a changé en 44ans.
Les paysages, ces grandes étendues, ces odeurs, tout y est encore. Je pense que c?est une démarche qui me permet aujourd?hui d?avancer plus sereinement sans pour autant tout oublier.
Merci à Serge d?avoir organisé ce beau voyage du retour."

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